GODS OF EGYPT : HOMMAGE AUX FILMS DU DIMANCHE SOIR

Un film de Alex Proyas (2H08min)

Publié le 29 mars 2019

A sa sortie en 2016, Gods of Egypts fût un four monumental et reste à ce jour l’un des plus gros « bashing » de la décennie, pas loin derrière Batman vs Superman (que l’on défend avec amour ici). A l’origine de cet échec : un déluge de haine à l’encontre du film, accusé de « white-washing », couplé au mépris habituel envers toute proposition de cinéma populaire gentillement régressive. Pourtant, Gods of Egypts n’est ni un navet, ni un nanar et encore moins un film raciste. c’est même un divertissement d’assez bonne facture, imparfait mais généreux, ambitieux et humble à la fois. Le temps est venu de lui rendre justice.

Every gods life is a journey

Les dieux vivent parmi nous ! Et parmi eux, deux se livrent à une guerre sans merci. Horus, fils d’Osiris et Set, frère de ce dernier. Horus est né pour être roi, mais il est suffisant et trop gâté. Set, lui est condamné à la solitude éternelle mais décide de nier sa condition et de renverser le trône d’Égypte. Il tue Osiris et prive Horus de son pouvoir divin en lui arrachant les yeux. Le film, qui démarre sur ce postulat, raconte alors la quête d’Horus pour la reconquête du trône. En chemin, il fera la connaissance d’un humain du nom de Bek, voleur au grand cœur car amoureux de la belle Zaya et qui fait davantage confiance en sa propre chance qu’en des dieux somme toute égoïstes. C’est dans ce rapport conflictuel entre les humains et les dieux que se tient le propos du film. Car au delà du rapport de maître/esclave mis en place dès l’introduction, Gods of Egypts s’attache à montrer ce qui lie les dieux et les hommes. La victoire contre Set ne pourra venir que d’une alliance entre Bek, un humain rusé et Horus, le dieu faucon, donnant au film la forme d’un buddy-movie inédit.

Encore faut-il qu’Horus comprenne quel est son rôle en tant que Dieu ! Le propos du film s’aiguise alors et porte un discours « méta » simple mais efficace. Les dieux sont peut-être tout puissants mais sont-ils libres ? Dans les religions polythéistes, ces derniers revêtent une fonction symbolique. Ils sont des allégories et jouent un rôle bien défini auquel ils ne peuvent se soustraire. Set a une ambition dévorante qu’il sait qu’il ne peut contrôler : « Noting can fulfill me », Hatoth, déesse de l’amour ne peut que se sacrifier pour permettre à Bek et Zaya de se revoir une dernière fois dans le royaume des morts et le tout puissant Ra, dieu de la lumière, est condamné à combattre le démon Apophis nuit après nuit et ce jusqu’à la fin des temps. Horus et Set passeront l’entièreté du film à se fourvoyer car ils ne remplissent pas le rôle qui leur est défini. Horus cherche à se venger alors que son rôle est de protéger son peuple. C’est parce que Set ne comprends pas (puis refuse) le rôle cruel qui lui est destiné qu’il meurt.

Les dieux se retrouvent, in fine, esclaves d’un destin qu’ils doivent d’abord comprendre puis accepter, ou bien périr. En cela ils ne sont que le reflet de notre propre condition d’humain. En plaçant les dieux à hauteur d’homme et en pointant du doigt leurs failles, Gods of Egypt fonctionne par inversion des rôles et confère aux humains une place privilégiée. Bek et Zaya reviendront vivants du royaume des morts, exploit jugé pourtant impossible par les dieux eux-mêmes.

Pas de doute, Proyas a l’art de créer des plans iconiques.

Pas de doute, Proyas a l’art de créer des plans iconiques.

Du cinéma populaire à l’ancienne !

Gods of Egypts est l’un de rares blockbusters actuels à avoir été fait pour les bonnes raisons. Projet fou d’un réalisateur virtuose mais maudit, il n’a pas été généré automatiquement par une bande de scénaristes de studio, n’est pas une suite ni une franchise, même pas une adaptation. C’est une œuvre originale (une rareté aujourd’hui) qui puise allègrement dans tous les recoins de la pop culture : du cinéma classique au manga en passant par le jeu-vidéo. Avec la même érudition que les sœurs Wachowski et munis d’un budget conséquent, Proyas bricole un univers hybride et flamboyant qui mêle le conte, le péplum et la fantaisie, offrant ainsi à la mythologie égyptienne sa fresque cinématographique la plus aboutie à ce jour. Pour le public gavé de culture gréco-romaine que nous sommes, Gods of Egypts est donc un vent de fraîcheur, un réservoir d’histoires neuves traitées avec un enthousiasme communicatif pour peu qu’on n’accepte de suspendre son incrédulité et de retomber en enfance.

Les citations pleuvent, du Seigneur des anneaux (2001) dès la séquence d’ouverture en voix-off au Voleur de Bagdad (1924) en passant par Indiana Jones (1981) ou encore Les chevaliers du Zodiac (1986). Gérald Butler y parodie même avec délectation son personnage de Léonidas dans 300 (2006). Héritier des grands films d’aventure « old school » aux rythmes effrénés, Gods of Egypts affiche sans honte son caractère factice et jusqu’au boutiste. Le ton est volontairement théâtral et oscille habilement entre l’humour et le drame. L’action ne bégaye jamais, proposant toutes les cinq minutes un nouveau décor, une nouvelle séquence d’action parfaitement découpée rappelant au passage les talents visuels de Proyas, génial réalisateur de The Crow (1994) et « Dark City (1999). Le film culmine même en un final grandiose qui voit Apophis, démon de l’outre monde, descendre sur terre pour avaler le Nil (oui rien que ça !).

Alors certes, on pourrait reprocher au film sa direction artistique parfois douteuse (les costumes) et une utilisation massive d’effets spéciaux numériques qui frôle l’indigestion. On pourrait faire quelques commentaires pointus sur les limites du tournage en caméra numérique RED et les difficultés à mettre en relief la lumière, donnant un côté “télénovelas” à certaines séquences. Mais ces imperfections, loin de transformer le film en nanar, lui confère simplement le charme d’un film maladroit mais honnête dans sa démarche voir carrément conscient de sa dimension kitsch. Une approche d’une cinéma populaire cinéphile et follement naïve donc, mais hélas peu en vogue aujourd’hui.

La prestation de Gerard Butler, à la fois risible et sinistre, justifie à elle seul le visionnage du film.

La prestation de Gerard Butler, à la fois risible et sinistre, justifie à elle seul le visionnage du film.

Derrière le « white-washing », une critique aux abois

Avant même la sortie du film, il a été reproché à Alex Proyas d’avoir engagé des acteurs blancs et non des « égyptiens » pour camper les personnages principaux. Argument fallacieux qui prouve à quel point la critique américaine est passée une fois de plus à côté de son sujet. D’abord, parce que Proyas, lui-même, est un égyptien émigré en Australie qui couvait depuis toujours l’ambition de mettre en valeur le patrimoine mythologique de son pays d’origine dans une grande œuvre populaire. Mais, surtout, parce que Gods of Egypts est une pure fantaisie ! Proyas se moque complètement de faire un film historiquement crédible. Au contraire, il assume avec culot une vision littérale de la mythologie égyptienne dans laquelle la terre est plate (oui oui) et des dieux hauts de trois mètres vivent auprès des humains et se battent à mains nues contre des serpents géants. Dans cet univers féerique, toutes les minorités semblent par ailleurs représentées, comme si l’Égypte ici n’était rien d’autre qu’une métaphore de l’humanité toute entière.

Alors oui, les premiers rôles sont campés par des acteurs « bankable » majoritairement blancs, Mais n’est-ce pas le cas de majorité des productions hollywoodiennes ? Personne n’a reproché à Ridley Scott de préférer Christian Bale à un acteur israélite pour incarner Moise dans le pseudo historique Exodus : Gods and Kings sorti en 2014, ni à Louis Leterrier d’engager Sam Worthington pour jouer le héros grecque Persée dans le remake du Choc des titans en 2010. D’autant que le choix semble pleinement assumé par Proyas qui parodie ici, avec un soupçon de nostalgie, le charme désuet des vieux péplums hollywoodiens dans lesquels les personnages (souvent les méchants), qu’ils soient romains, égyptiens ou autres, étaient interprétés par des acteurs britanniques à la verve shakespearienne. Il n’y a qu’à voir la prestation en totale roue libre de l’écossais Gérald Butler en dieu égyptien pervers pour s’en convaincre !

Il semblerait que la plupart des critiques passent leur temps à essayer d’anticiper ce que les gens veulent entendre.
— Alex Proyas

La véritable raison de ce bashing est plus profonde et révélatrice de l’état de la critique à l’heure des réseaux sociaux. Dans un tweet rageur qui lui coûtera cher, Proyas fait ce constat lucide et navrant ;“Seems most critics spend their time trying to work out what most people will want to hear ». Nous vivons en effet à une époque où les films sont jugés avant même leur sortie par des critiques démagogues qui, au-delà de tout regard pertinent, cherche simplement à aller dans le sens du vent. Au regard de la nouvelle critique puritano-progressiste américaine Gods of Egypts a pratiqué un white-washing honteux et il doit payer. Alex Proyas, déjà considéré comme un réalisateur maudit, voit aujourd’hui son destin scellé pour de bon à Hollywood.

Gods of Egypts est un film qui connaît parfaitement ses ambitions autant que ses limites et sait exactement ce qu’il doit être. Non pas un film à oscars qui se prendrait trop au sérieux, mais un solide divertissement du dimanche soir, fait avec passion et un sens de la narration visuelle qui se perd à Hollywood aujourd’hui. Le genre de films que l’on adorait regarder en boucle quand on était gamin mais qu’on ne s’autorise plus à apprécier par peur d’être taxé d’idiot inculte. Coincé entre les produits sans âme de Disney et le cinéma pédant de Nolan, Villeneuve et consorts, le cinéma populaire américain a pris un sale coup derrière la tête durant la dernière décennie, divisant le public au lieu de le rassembler. Gods of Egypts est donc un petite madeleine de Proust à déguster goulûment en attendant des jours meilleurs.

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