FONTAINES D.C, LE FUTUR DU ROCK

Dogrel (LP-40 minutes), sortie le 12 avril 2019

Publié le 16/05/2019

Le rock n'est pas mort, disons qu'il sommeille depuis plus d'une décennie mais continue de saturer dans les oreilles fidèles de qui veut l'entendre ! Sa disparition des réseaux mainstream au cours des années 2000 fut progressive mais implacable, faisant du genre le plus populaire de la musique du 20 ème siècle, une niche pour has been nostalgiques. Serait-il possible qu'un groupe de rock puisse aujourd'hui débarquer et squatter à nouveau la sphère mainstream au côté du Hip-Hop et de la musique électronique ? Fontaines D.C, jeune formation venue de Dublin a, selon nous, tous les arguments pour.

Les années 2010 ont été marquées par des bouleversements sans précédent dans l'histoire de la musique moderne. L'explosion des réseaux sociaux et la démocratisation de la musique assistée par ordinateur ont ouvert de nouveaux horizons. Soudainement, produire et distribuer sa propre musique est devenu un rêve accessible pour beaucoup de musiciens amateurs. Le hip-hop et la musique électronique, derniers genres populaires à avoir émergé dans les 90's, ont été les moteurs de cette révolution numérique qui a modifié en profondeur les mécanismes de la création musicale. De l'indie pop sophistiquée à l'EDM sans âme du top 50, un nouveau type de production domine, conséquence d'une musique sur-produite en studio (ou home studio). Un son synthétique, domestiqué par les machines, souvent maîtrisé et élégant, mais auquel il semble parfois manquer l’énergie imprévisible et imparfaite du jeu live et des instruments analogiques.

De l’indie pop sophistiquée à l’EDM sans âme du top 50, un nouveau type de production domine.
— The Look of Pop

Ne sommes-nous pas arrivés au bout d'un cycle ? Ne sommes-nous pas en train d'être saturés d'un type de production musicale devenu soniquement inoffensif à force d'être omniprésent. Et si dans ce paysage musical sans surprise, le rock débarquait à nouveau afin de nous décrasser les oreilles à coup de riffs de guitares bien sentis, de cymbales stridentes et de paroles rageuses ? Ce genre de phénomène, l'auteur de ces lignes n'y croyait plus trop, jusqu'à la découverte il y a un mois d'un groupe tout droit venu de Dublin nommé Fontaines D.C. Et à l'écoute de seulement quelques titres on est frappé par l'évidence. C'est comme si ces chansons avaient été là depuis toujours tout en donnant l'impression d'être parfaitement à leur place en 2019. En effet, contrairement à un groupe comme Gretta Van Fleet qui fait renaître le son rock 70's de Led Zeppelin jusqu'au mimétisme, Fontaines D.C ne joue pas sur la corde nostalgique.

Bien que fortement inspiré par le genre post-punk né dans les 80's au Royaume-Unis (Joy Division, The Smith, The Fall etc..) et repris récemment par un grand nombre de groupes indépendants, cette jeune formation irlandaise impose un rock résolument moderne. Malgré un son rugueux et parfois dissonant, l'énergie pop propulsée par Fontaines D.C est contagieuse. Volontairement répétitifs et hypnotiques, certains titres possèdent une pulsion mécanique et binaire proche de la musique électronique tandis que l'interprétation vocale du chanteur est un mélange fascinant entre le flow d'un rappeur, le slam d'un poète, et les vocalises d'un chanteur. L'accent irlandais enrobe des lyrics percutants d'un charme désarmant, et amène à nos oreilles des sonorités nouvelles qui dénotent avec l'accent américain devenu trop familier.

Fontaine D.C au Death Disco à Athènes le 13 décembre 2018

Fontaine D.C au Death Disco à Athènes le 13 décembre 2018

Ce premier album est une réussite miraculeuse et plante le décor d'un Dublin romantique en voie de disparition car pris dans de violentes mutations économiques et sociales. Même en ne sachant rien de la situation du pays, Dogrel et ses 11 titres communiquent une certaine urgence de vivre, celle d'une jeunesse tiraillée entre amour et haine pour un pays et une ville en perte d'identité. Ce concentré de rébellion, canalisée à travers l'énergie du rock et la mélancolie post-punk livre un message actuel, à la fois brut et limpide et dans la plus pure tradition musicale anglo-saxonne. La formation classique, guitare, basse, batterie, chant, n'a décidément rien perdu de son efficacité. C'est aussi ça la beauté du rock. Les outils sont là depuis des décennies mais il s’agit d’en réinventer à chaque fois le son et de le mettre au service de chansons capables de fédérer. Nirvana avait secoué le genre dans son ensemble dans les 90's avec une musique simple et directe, mais surtout 100% authentique. Même chose pour Oasis qui, en plein boum techno en Angleterre durant la même décennie, avait su nager à contre-courant de la tendance pour imposer un son vibrant et des mélodies instantanément cultes.

Fontaines D.C pourrait bien suivre un destin similaire. Tous les titres de Dogrel possèdent une identité propre et procurent une satisfaction immédiate. « Boys in the better Land » est un véritable tube qui réussit l'exploit de tenir sur un seul riff imparable, « Too Real » un hymne sauvage à la « Smell like teen Spirit » qui martèle les tympans et donne envie de casser du mobilier tandis que « Roy's tune » est une ballade délicate qui atteint des sommet d'émotions sans jamais verser dans le pathos. Après une décennie 2010 bien terne pour le rock (qui aura tout de même vu l'émergence de Tame Impala et des Lemon Twigs) les années 2020 marqueront-elles le grand retour du genre sur le devant de la scène ? Fontaines D.C serait en tout cas le prétendant parfait pour sonner la révolte.

Clément El Vassort


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