BLINK 182,FOREVER YOUNG!

Publié le 18 juillet 2019.

Avec son punk mélodique aussi nerveux que solaire et son humour puérile, le groupe de punk-rock américain blink 182 a propagé dans les années 2000 une imagerie puissante, érigeant l’adolescence des classes moyennes californiennes en modèle universel pour toute une génération. The Look of Pop pose un regard bienveillant et nostalgique sur ce trio culte, fer de lance d’une « teen culture » aujourd’hui gravé dans l’imaginaire collectif.


Toute première fois !

J’avais 13 ans quand j’ai découvert blink 182. A défaut d’avoir mes propres goûts, j’écoutais passivement tout se qui passait à la radio à cette époque. Puis un jour, je suis tombé par hasard avec mon pote Renan sur un CD gravé qui traînait dans la cour du collège. Sur la face était simplement marqué « Blink » au marqueur bleu. Je me souviens avoir reçu une sévère décharge d’adrénaline quand Dumpweed, le premier titre de l’album Enema of a state, à déferlé dans les oreillettes de notre baladeur Sony. J’étais frappé par le rythme dévastateur de la batterie et la chaleur des guitares, mais surtout par la voix nasillarde et plaintive du chanteur. Ce fut le coup de foudre immédiat ! Pour la première fois de ma vie, j’avais la sensation d’avoir trouvé une musique qui m’appartenais. Je n’étais pas le seul.

She’s a dove, she’s a fucking nightmare,
Unpredictable, it was my mistake to stay here,
On the go and it’s way too late to play,
I need a girl that I can train !
— Dumpweed/ Enema of a State (1999)


L’humour est une arme.

blink 182 est classé dans un sous-genre nommé (souvent péjorativement) pop-punk, sorte de démocratisation inoffensive de ce mouvement de contre-culture exigeant qu’est le punk, et qui restera extrêmement populaire jusqu’au milieu des années 2000. blink 182 se distingue en effet par un refus de coller aux codes stricts du punk. Pas question de se prendre au sérieux, de jouer sur les aspects idéologiques et virils propres au genre. Tom Delonge et Mark Hoppus sont d’abord et avant tout deux amis d’enfance qui ont occupé leurs longues journées d’adolescents pré-pubères à faire du skate, pratiquer l’humour régressif et gratter des riffs dans leur chambre, soit le quotidien de jeunes californiens des 90’s.

Fondé en 1992, blink puis blink 182 (le nombre 182 reste encore un mystère à ce jour) ne sera rien d’autre que la retranscription pèle mêle et non calculée de ce quotidien d’adolescents des « suburbs » encore peu médiatisé à l’époque. Cette attitude d’éternel ado, le groupe l’incarne pleinement sur scène où les deux larrons se mettent en scène sans artifice, brisant la distance qui les sépare du public à coup de vannes hilarantes, volontairement lourdingues, voire surréalistes ! Un concert de blink 182 ressemble en réalité tout autant à du stand-up comedy qu’ à un rock show. Même le passage du statut de petit groupe local à phénomène mondial n’empêchera pas au trio de jouer sa partition d’ados immatures, préférant prendre à la légère cette ascension fulgurante. Un moyen aussi de se protéger des affres du succès.

My love life was getting so bland,
There are only so many ways I can make love with my hand.
— M + M's / Cheshire Cat
La pochette culte de l’album Enema of a state sortie en 1999, soit il y a 20 ans cette année ! Précisons qu’en anglais le mot “enema” signifie lavement…Le gant sur la pochette prends alors tout sons sens !

La pochette culte de l’album Enema of a state sortie en 1999, soit il y a 20 ans cette année ! Précisons qu’en anglais le mot “enema” signifie lavement…Le gant sur la pochette prends alors tout sons sens !

Punk de banlieusards !

En réalité, Hoppus et Delonge cachent bien leurs ambitions. Piqués d’un esprit d’entreprise typiquement californien, ces derniers perçoivent dans blink 182 la possibilité de viser un public bien plus large que la scène punk californienne. Une chance pour eux, le genre explose à la fin des années 1990 grâce à des groupes comme Green Day et The Offsrping, devenant même extrêmement populaire à l’international. Avec sa version “skate-punk” plus lumineuse et facilement commercialisable, blink 182 sera le groupe qui profitera le plus de l’explosion de la scène punk-rock. Reste que ce succès leur appartient, notamment de par cette capacité à sentir et retranscrire dans une forme pop énergique les tourments d’une génération. Parfait symbole d’une jeunesse américaine désenchantée mais pas forcément aussi « fucked-up » que celle qui a écouté Nirvana, blink 182 va permettre un phénomène d’identification large et immédiat qui sera le fondement de leur popularité encore intacte aux États-Unis à l’heure actuelle. Les jeunes garçons inhibés par le cadre scolaire et son microcosme sociale cruel, effrayés à l’idée de parler aux filles, trouveront auprès de ces figures masculines aussi immatures que sensibles des alter-egos autant que des modèles. Derrière l’humour de façade se cache en effet un mal-être générationnel, celui d’une masculinité contrarié au sein d’une société qui change et où les femmes ont davantage de place pour exister et s’épanouir. Paradoxalement, les filles y trouveront aussi leur compte, touchées par le charme anti-viril de ces jeunes garçons qui dissimulent derrière leur attitude clownesque, un romantisme sincère. Le succès de blink 182 passe aussi par cette capacité à fédérer les publics.

Seventeen without a purpose or direction,
We don’t owe anyone a fuckin explanation !
— The Rock Show / Take off your pants and jacket (2001)


Trop pop pour ton punk ?

Devenu populaire trop vite, blink 182 sera forcément une groupe mal aimé par une partie de la communauté punk. Le passage en major après l’album Dude Ranch et le virage pop emprunté par le groupe sera vécu par les puristes comme une trahison sonnant la mort du genre. Un jugement dont le groupe s’est d’ailleurs toujours relativement moqué. Tom Delonge affirmait encore récemment dans une interview que la communauté punk est impossible à satisfaire car elle est peuplée de gens obsédés à l’idée de juger "ce qui est punk et ce qui ne l’est pas”. Delonge répond qu’ être punk “c’est faire les choses différemment, en dehors des clous et en se foutant ce que diront les gens”. C’est précisément que fera blink 182 pendant toute leur carrière, assumant un punk presque enfantin dans sa manière d’imiter la forme mélodique des comptines pour enfants (nursery rimes) pour mieux les dynamiter r à coup de riffs fulgurants. Le groupe prendra même tout le monde à contre-pied en 2003 avec la sortie de l’album éponyme. Étonnant de maturité et d’expérimentation musicale, cet album révélera au monde les inspirations variées du groupe, puisant pour l’occasion du côté du post-punk, du rock progressif et même de la new-wave. Leur indéniable succès populaire n’a fait en réalité que confirmer une chose : blink 182 n’était pas fait pour rester cantonné à la scène punk alternative mais bien pour conquérir la pop mondiale.

blink 182 à l’orée des années 2000 dans leur panoplie de parfaits “skate-punk rockers” !

blink 182 à l’orée des années 2000 dans leur panoplie de parfaits “skate-punk rockers” !


Mark, Tom and Travis : Duo à trois

Le duo Mark Hoppus/Tom Delonge est une de ces rencontres musicales comme il en existe peu et qui fait l’histoire de la pop music. La magie de blink 182 réside dans la symbiose de ces deux talents longtemps liés par une amitié profonde. Si aucun des deux ne se considèrent comme de véritables musiciens, les deux hommes possèdent en revanche des qualités d’écriture pop et un sens de la mélodie hors du commun. La voix grave de Mark Hoppus s’accorde parfaitement à celle nasillarde de Delonge et la combinaison de leurs textes mêlant humour, cynisme et romantisme offriront à la pop des années 2000 des titres mémorables comme I miss you, Always ou Feeling This. Peu de groupe ont la chance de posséder deux moteurs créatifs aussi forts et complices. Archétype de l’amitié masculine à tendance homo refoulée, Mark et Tom sont indissociables, à tel point que la rupture du groupe en 2005 sera vécu comme un divorce pour des fans contraints de choisir leur camp (Un comble pour un groupe qui a pourtant écrit la chanson Stay together for the kids ) ! Au milieu de ce duo bavard, Travis Barker fait lui figure de trait d’union et use de tout ses talents pour créer le lien rythmique entre les deux chanteurs. D’un tempérament plutôt discret, Barker s’exprime surtout par son jeu de batterie rapide et précis. Maître absolu de son instrument et doté d’une large culture musicale, son arrivée dans le groupe en 1998 va apporter une identité rythmique immédiatement reconnaissable faite de break hip-hop et jazzy qui va faire sortir blink 182 du lot. Barker imposera également aux deux autres membres du groupe une rigueur technique qui les obligera à élever leur niveau de jeu.

Yeah my girlfriend takes me home when I’m too drunk to drive,
And she doesn’t get all jealous when I hang out with the guys
— Josie / Dude Ranch (1997)

Influenceurs de la pop culture

Quand Enema of a State sort en 1999, le succès est mondial (15 millions d’albums vendus) et va diffuser presque instantanément une mythologie adolescente typiquement californienne que figeront les teen-movies hollywoodiens de la décennie 2000r. De Américan Pie à Road Trip en passant par Sex Academy et tant d’autres, ces comédies potaches aux titres rouges sur affiches blanches retranscriront tant bien que mal à l’écran l’univers régressif du groupe qui fera d’ailleurs une apparition remarquée dans le premier volet de l’incontournable franchise American Pie. Devenus le doudou d’une jeunesse occidentale qui, selon Delonge, « ne va ni mal, ni bien », le groupe va populariser une attitude insouciante et rebelle dans l’esprit Jackass comme un antidote à la déprime et aux déboires de l’existence, allant jusqu’à apparaître nu sur scène ou dans le clip de What’s my age again ? Une tendance à l’exhibitionnisme qui n’empêchera au groupe d’avoir un fort impact sur la mode vestimentaire de l’époque, très influencée par la skate culture : chaussures Van's, casquette large et chaussettes hautes. Tom Delonge et Mark Hoppus monteront même les marques de vêtements Atticus et Macbeth tandis que Travis Barker lancera Famous Stars and Straps.

Avant leur premier hiatus en 2005, le groupe avait acquis avec le temps une maturité et une mélancolie plus assumée.

Avant leur premier hiatus en 2005, le groupe avait acquis avec le temps une maturité et une mélancolie plus assumée.


Un héritage assuré

Paradoxalement, si la culture skate-punk fût au départ extrêmement locale (la Californie), le succès du genre sera internationale et trans-culturel. L’Amérique du sud et l’Asie (par exemple) possèdent des communautés de fans de blink 182 bien plus importantes que l’Europe. C’est dire la puissance de l’imaginaire véhiculé par le groupe. blink 182 inspirera évidemment une flopée d’autres artistes « pop-punk » qui tenteront de reprendre la formule avec plus ou moins de réussite. Aucun n’aura cependant un impact aussi durable sur la pop culture que le célèbre trio de San Diego. (Fall out Boy peut-être ?). Car malgré sa réputation d’artistes formaté par MTV, blink 182 reste un groupe inimitable qui tire son originalité de son authenticité et d’un rapport unique à son public. En 2019, le groupe tourne d’ailleurs toujours à travers les États-Unis et le monde (mais sans Tom Delonge) dans des stades immenses ou les trentenaires nostalgiques emmènent leur enfants dans l’espoir de transmettre leur passion pour un groupe qui les a aidé à grandir et qui fait aujourd’hui partie de leur famille.

Fate feel short this time,
Your smile fades in the summer
— Feeling this /Blink 182 (2003)


Si le punk-rock n’est certes plus sur le devant de la scène à l’heure actuelle, les réactions des trentenaires à l’écoute des tubes All the small things,« Dammit» ou “First Date” en disent long sur la marque laissée dans les mémoires de toute une génération. En quelques mesures, c’est toute leur adolescence qui rejaillit ! Avec ses paysages surnaturels, son économie puissante et son goût du divertissement « bigger than life », la culture californienne a généré une adolescence fantasmée qui a inondé les années 90/2000 et dont blink 182 restera à jamais l’une des figures iconiques. Un symbole d’insouciance et de liberté devenu aujourd’hui la bande-son de nos souvenirs, vecteur d’une douce nostalgie et d’un rêve un peu fou de jeunesse éternelle.

Clément El Vassort.

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