AVATAR, C’EST POINT BREAK !

Publié le 17/04/2019

Franchement faut arrêter avec Avatar ! C'est juste Pocahontas avec des extra-terrestres.» Cette phrase a été prononcé des centaines de fois par tous les « haters » du monde entier afin de taxer le célèbre blockbuster de James Cameron d’un sévère manque d’originalité. Pas question ici de la contredire...car au fond elle est juste. Mais elle témoigne également d'une certaine paresse intellectuelle. Et si on allait plus loin ?

Avatar n'est pas qu'une relecture du mythe de John Smith à la sauce S-F, c'est une expérience filmique qui fait vivre un glissement de regard au spectateur. C’est le récit d’une métamorphose. Oublions alors Pocahontas, si une référence à une oeuvre culte doit être faite...c'est à plutôt Point Break ! Vous êtes dubitatif ? On va vous rafraîchir la mémoire !

Sorti en 1991, Point Break de Katheryn Bigelow raconte les péripéties d'un jeune agent du FBI, Johnny Utah (Keanu Reeves), un ancien quaterback prometteur à la carrière brisée suite à une blessure au genou. Affecté à Los Angeles, il se retrouve contraint d'infiltrer un groupe de surfers soupçonné d'être à l'origine de plusieurs braquages de banque. Mais, séduit par la philosophie de vie de ces hippies de la mer autant que par la sexy Tyler, Johnny en oubliera son métier de flic. C'est presque à contre cœur qu'il finira par stopper le gang de braqueurs emmené par Bohdi (Patrick Swayze). Sa mission terminée, il quittera la police fédérale et se laissera poussé les cheveux !

Vous ne voyez toujours pas le rapport ? Et bien dans les deux films on à faire à deux héros formés pour être des hommes d'action mais qui, diminués physiquement, ne peuvent s’accomplir. Utah est diminué par sa blessure au genou tandis l'ancien Marine, Jake Sully, (Sam Worthington) est prisonnier de son fauteuil roulant. Puis on a la découverte de mondes nouveaux et de communautés au sein desquelles les deux héros vont pouvoir entreprendre leur renaissance . La planète sauvage Pandora et le peuple Navy pour Sully et le Los Angeles des surfers pour Utah.

“Le peuple Na’vi, comme le gang de surfeurs, se caractérisent par une mentalité opposée à celle du système que sont sensés incarner nos héros.”

L’infiltration de Utah au sein du groupe de surfeurs mené par Bohdi sera pour lui une re-découverte de lui-même et de son rapport au monde. Le gang de surfeurs comme les Navy’s incarnent des valeurs opposées celles du “système” que sont sensés incarner nos héros (le capitalisme sauvage, la loi américaine). Dans les deux cas, Dieu et la Nature y sont une seule et même chose. Les deux héros sont par ailleurs introduits au sein de ces communautés par des figures féminines fortes, indépendantes et pleines de bagout. On retrouve dans les deux films des scènes d'apprentissage en montage elliptique, dans lesquelles Tyler (Lori Petty) tout comme Neytiri (Zoé Saldana) apprennent au personnage principal à recréer le lien perdu avec la Nature par une série d'exercices physiques.

Les deux récits proposent un glissement de regard qui va permettre au héros (et au spectateur) de juger sa propre civilisation sous un angle nouveau. En résulte un dégoût pour le système qui poussera Johnny Utah à jeter son insigne après avoir offert à Bohdi une mort digne et Jake à combattre sa propre espèce pour mieux s'en détourner par la suite. Avec ses cheveux longs et son attitude relax, on comprend à la fin de Point Break que Johnny est devenu un surfeur. De manière plus radicale encore, Jake décide de quitter sa forme humaine pour devenir un Navy. Et si l'avatar de Jake est ce médium qui va lui permettre cette renaissance, pour Johnny il s'agit plutôt de la planche de surf, véritable prolongement du corps, qui fait le lien entre le surfeur et la vague.

James Cameron lui-même a pitché Avatar aux producteurs de la 20th Century fox en évoquant un mix entre Pocahontas et Jurassic Park. Pour espérer se faire financer un film à Hollywood, il faut maîtriser l'art de la formule. Pocahontas, c'était l'occasion de fédérer un large public autour de valeurs universelles et de rappeler qu’à l’heure de la mondialisation le colonianisme est non seulement toujours d’actualité, mais a également un impact alarmant sur l’environnement. La référence au mythe de Pocahontas était donc plus qu’évident et en faire un argument contre le film relève alors du-non sens. Car l’objectif de James Cameron n'était pas de copier ce mythe fondateur par pure paresse mais de nous le faire vivre comme jamais nous ne l’avions vécu avant : par le biais de la science-fiction et du cinéma immersif.

Le véritable sujet d'Avatar c'est l'avatar ! Jake Sully est l'avatar du spectateur, ce corps à travers lequel nous sommes immergés dans la fiction. L'ambition de Cameron était de créer la mise en abîme ultime en faisant de cette merveille technologique qu’est l’avatar, une métaphore du cinéma, et en particulier de son cinéma qui a toujours cherché à repousser les limites de l'immersion fictionnelle via la technologie. La comparaison avec Point Break nous apporte un deuxième degré de lecture. Dans les deux récits, le mythe de Pocahontas y est ré-actualisé voir transfiguré pour parler de renaissance et de métamorphose. La prochaine fois que vous entendrez quelqu'un prononcer la fameuse phrase : « Franchement faut arrêter avec Avatar ! C'est juste Pocahontas avec des extra-terrestres » parlez-lui de mise en abîme, de glissement de regard et surtout parlez lui de Point Break !

PS : Précisons que James Cameron et Katheryn Biglelow étaient mariés à l'époque de la production de Point Break est que les deux tourtereaux ont réécrits ensemble le final script du film. Coincidence ? Je ne crois pas !

Clément El Vassort.

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