THE LOST CITY OF Z,LE CHEF-D’ŒUVRE DE JAMES GRAY

Un film de James Gray (2016) 2H28min

Publié le 12 avril 2020.

En 2016, le réalisateur James Gray quittait enfin la jungle new-yorkaise pour un voyage au cœur de l’Amazonie avec le somptueux mais trop vite oublié The Lost city of Z. Inspiré de faits réels, le film retrace la vie hors du commun de l’explorateur britannique Percy Fawcett et sa quête obstinée d’une ancienne cité perdue au cœur de la jungle bolivienne au début du XXème siècle. Disponible depuis quelques semaines sur Netflix, The Look of Pop vous invite à plonger sans modération dans ce grand film hollywoodien, peut-être l’un des plus beaux de la dernière décennie.

Don’t go.
— Francis Ford Coppola

Avant 2016, on connaissait plutôt James Gray pour ses drames familiaux new-yorkais au style assuré mais discret. L’étonnement fût grand alors de voir l’auteur citadin s’attaquer au récit d’aventure historique. D’autant que The Lost City of Z promettait un tournage éprouvant de plusieurs semaines au cœur de la jungle sud américaine. Encore traumatisé par la production cauchemardesque de Apocalypse now (1979) Coppola conseilla même au cinéaste de ne pas y aller !

Mais pour Gray comme pour son héros Percy Fawcett, l’ivresse de l’aventure fut plus forte que la peur. Soumise aux conditions extrêmes de la jungle tropicale, l’équipe de tournage dut cependant abandonner ses outils numériques, tous ravagés par l’humidité, pour revenir à la bonne vieille pellicule et au tournage à l’aveugle. Sans ce retour contraint aux origines du processus cinématographique, le film n’aurait tout simplement pas pu se faire. Un coup du sort salutaire donc au vu du résultat !

Le tournage en pellicule, le subtil travail des lumière naturelles et l’utilisation pleine du cinémascope confère au film une force picturale saisissante.

Le tournage en pellicule, le subtil travail des lumière naturelles et l’utilisation pleine du cinémascope confère au film une force picturale saisissante.

The Lost City of Z est une splendeur visuelle ! Porté par le style inimitable de son directeur de la photographie Darius Khondji (Seven 1995), Gray délivre une œuvre d’une grande maturité plastique. Héritier d’un certain classicisme hollywoodien, le cinéaste puise son inspiration dans les fresques humanistes de David Lean (Lawrence d’Arabie 1963; Le Docteur Jivago 1966) dont il applique avec rigueur la fluidité narrative, l’harmonie visuelle et le gigantisme. Le cinémascope est ici utilisé dans toute sa largeur et dépeint les aventures de son héros à travers de majestueux tableaux naturalistes au souffle épique.

Mais les audaces formelles du Nouvel Hollywood ne sont jamais loin non plus. Sûr de son talent, le cinéaste nous invite à une expérience progressivement subjective où l’expérimentation sonore et le montage verticale permettent d’épouser le point de vue de son personnage dans une tentative de spectacle sensoriel qui n’est pas sans rappeler Apocalypse now. Car ce n’est pas tant le spectacle exotique qui intéresse ici le cinéaste que le récit d’une transformation. Au fil de ses explorations, vécus à chaque fois comme d’atroces calvaires, Fawcett abandonne ses rêves de gloire et de reconnaissance pour un idéal plus grand : la quête d’une cité perdue dont la découverte pourrait bien changer l’histoire de l’humanité.

Un homme doit pouvoir aller au delà de ce qu’il peut saisir, ou alors à quoi sert le ciel?
— Nina Fawcett

Peu intéressé par la vérité historique de son personnage, Gray choisit de dépeindre Percy Fawcett comme un humaniste d’avant-garde esseulé au sein d’une société coloniale britannique vieillissante. Le cinéaste questionne alors plus largement les fondements de la pensée occidentale à l’orée du nouveau siècle. Une pensée tiraillée entre le conservatisme religieux et la soif de connaissance. Là encore The Lost city of Z se pose comme un film en transition entre classicisme et modernité, pas seulement dans sa forme mais dans son sujet même.

Malgré ses idées égalitaristes et son ouverture d’esprit, Fawcett lui même demeure un militaire sévère, ancrée dans des valeurs traditionalistes, que les voyages répétés au cœur de l’Amazone vont changer à jamais. La mise en scène de Gray vogue alors avec délicatesse au frontière de l’onirisme pour mettre en image l’emprise mystique de la jungle sur son personnage. Convaincu de voir dans Z la clé du puzzle humain, Fawcett façonne sa vie autour d’un unique objectif forgé en destin tragique, quitte à sacrifier ce qui lui est cher : sa femme et ses enfants.

Fawcett et sa famille avant son premier départ pour l’Amazonie. L’humain est au centre du cadre comme du récit mais toujours connecté à l’immensité du monde.

Fawcett et sa famille avant son premier départ pour l’Amazonie. L’humain est au centre du cadre comme du récit mais toujours connecté à l’immensité du monde.

Sans surprise, on retrouve dans The Lost City of Z le thème de prédilection de James Gray : La famille. A travers sa filmographie le cinéaste ne cesse de traiter la fragilité des rapports familiaux qu’il utilise comme moteur du drame hollywoodien. La quête inassouvie de Percy Fawcett induit un sacrifice terrible : à chaque expédition il abandonne femme et enfants, passant à côté de sa vie familiale. Les rapports père/fils, toujours tendus chez Gray, tracent ici des lignes complexes, entre fatalisme de l’héritage familial et possibilité d’une conjuration. Meurtri par l’absence de son propre père qu’il cherche à dépasser, Percy Fawcett n’en reproduit pas moins les mêmes schémas avec son fils aîné Jack qui le hait autant qu’il l’admire. Pourtant le film se résout par une réconciliation et une adhésion totale de la famille autour à la quête métaphysique du père. Amour ou folie ? Dans le dernier acte, Jack rejoins son paternel pour une ultime expédition qui les mènera au bout d’eux-mêmes.

Avec The Lost city of Z James Gray confirme sa posture d’artisan d’une forme classique hollywoodienne en voie de disparition, une forme qui puise son essence dans la connexion de l’universel et de l’intime. Ni film d’action spectaculaire, ni drame de chambre, The Lost city of Z traduit davantage un désir de réconciliation et de synthèse de ces deux modes dans une proposition de cinéma total. Dans une ultime séquence à la fois sobre et vertigineuse que n’aurait pas renier Stanley Kubrick , le film approche même le frisson métaphysique et hante nos esprits longtemps après son visionnage. Au sommet de son art James Gray signa avec The Lost city of Z rien de moins qu’un chef-d'œuvre à redécouvrir d’urgence !

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