COM TRUISE,ALCHEMIST OF SOUND

Publié le 18 septembre Août 2019

Interview disponible en français et en anglais/ Interview available in french and in english

La musique de Com Truise semble exister par elle même, écho fantomatique d’un vieux satellite laissé à la dérive dans le vide sidéral. Rarement un artiste était parvenu à retranscrire en musique ce fantasme 80’s d’un futur synthétique où l’humain est la machine seraient fondus l’un dans l’autre. En fusionnant le groove de la drum’n bass avec les textures de la synthwave, Com Truise prolonge les expérimentations musicales de Vangelis et de Jan Hammer et propulse la musique de synthétiseurs vers de nouveaux horizons retro-futuristes. Rencontre avec cet alchimiste du son hors pair lors de son passage à Paris en août dernier à la Retro Synth Fury.

The Look of Pop : Comment en es-tu arrivé à faire de la musique, quel a été l’élément déclencheur ? / How did you get into music? What was the sparkle that started your passion?

Com Truise : Un jour où j’ai entendu un titre drum n’ bass sur l’une de ses radios musicales qui passaient sur la télévision. La même année j’ai supplié mes parents de m’acheter des platines et une table de mixage pour Noël ! Plus jeune je ne faisais pas de sport, je ne jouais pas dans un groupe mais le DJing est très vite devenu mon hobby. J’ai mixé pendant un bon moment puis je me suis mis à composer mes propres titres et à les jouer en live. Depuis mes goûts musicaux ont quelque un peu évolués. J’aime toujours autant la drum n’ bass mais je me suis plongé davantage dans la musique ambient et je suis tombé amoureux des années 80 avec ses synthétiseurs et ses boites à rythme. Ce n’est pas tant les années 80 que j’aime, mais les sons et les techniques d’enregistrement de cette époque. Le projet Com Truise est en quelque sorte un mélange de hip-hopdown tempo” et de musique ambient réminiscente des années 80 via les machines que j’utilise. Ce n’est pas vraiment de la synthwave car ce genre est devenu très codé, très uniformisé. Ma musique est davantage expérimentale et étrange. J’essaie de faire en sorte qu’elle ne ressemble à rien d’autre. J’ai envie qu’elle vous fasse ressentir des choses qui ne m’appartiennent pas, qui sont les vôtres. C’est une musique ouverte.

I heard a drum’n’ bass track on one of those radio channels on television and that really was the starting point. That same year I had to beg my parents for some turn tables and mixer for Christmas! Growing up I wasn’t into sports or in a band so that’s really how it started. I bought some vinyl records and did some DJing for a while. Eventually I started to write my own stuff to perform. Over the years my taste kind of shifted. I still love drum’n’ bass but I got more into ambient music, and really fell in love with the 80’s, synthesizers and drum machines. I wasn’t really a fan of the 80’s per say, it was more about the techniques and the sound. That’s how I shifted into this Com Truise project, blending downtempo and hip hop music with some ambient style. My music doesn’t really sound 80’s but it’s reminiscent because of the drum sounds and certain synthesizers. Synthwave is very organized and a little too cookie-cutter. I wanted to make something more experimental and weird. I didn’t want it to sound like anything else. I wanted you to feel something, remember something, not necessarily what I remembered but what you want to remember, it’s very open ended.

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TLOP : Quelle est l’intention derrière le choix de ce nom “Com Truise”?/What was the intention behind choosing the name “Com Truise” as your artist name?

CT : A la base c’est juste une blague ! Je bossais dans la publicité et, tous les midis, je déjeunais avec le même groupe de personnes à la cantine. On passait notre temps à se raconter des blagues. Un jour on parlait cinéma et l’un de mes collègues a bafouillé et prononcé Com Truise au lieu de Tom Cruise ! Évidemment tout le monde s’est mis à rire mais moi je me suis dit : “c’est plutôt marrant comme nom !” A l’époque j’avais quelques chansons terminées et pas vraiment de nom définitif pour le projet. J’ai repensé à cette histoire et je me suis dit : “Ok essayons ça” Et nous y voilà, 10 ans plus tard !

It was a joke! I was working in advertising and I used go to the canteen with the same group of guys and we were saying funny jokes all the time. One day we were talking about movies and one of the guys said Com Truise. He meant to say Tom Cruise but messed it up, and I was like “well, it’s a funny name”. I had some songs finished and there was no real name. I had a working name but I was like, “well, it’s funny let’s try it” and here we are, 10 years later!


TLOP : Dans le interviews que tu as donnée tu te plais à définir ta musique comme : "mid-fi synth-wave, slow-motion funk". Que penses-tu de ce besoin de devoir mettre la musique dans des cases toujours plus précises. Est-ce que c’est une manière de ce moquer de cette tendance ?/ In some interviews you gave, you like to define your music as "mid-fi synth-wave, slow-motion funk". Is it a way of making fun of the need of naming everything now, especially music genre, or is it important for you to try to define your style?

CT : Disons que j’aime définir ma musique pour moi-même. Mais au final, pour la plupart des gens, c’est simplement de la musique électronique. A la rigueur, si on veut pousser plus loin, on peut dire que c’est en majeure partie de la musique downtempo. Je pense qu’à l’époque où j’ai dit ça je n’ai pas trop réfléchi à ce que je disais. J’étais jeune et naïf ! C’était une manière d’attirer l’attention et d’avoir l’air cool.

I like to define it for myself. But in the end, for most of the people it’s electronic music. If you want to go further down, it’s downtempo music, for the most part. At the time I said that, I didn’t put much thought into it. I was naive and new. I think I just wanted to sound cool and interesting so I did what felt right and I wasn’t concerned about opinions.

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TLOP : Avant de démarrer le projet Com Truise tu étais un DJ Drum n’bass et on retrouve encore ce style dans ta musique aujourd’hui. Cela pourrait sembler assez paradoxal au sens où ce n’est pas forcément le genre de “groove” que l’on appliquerait au genre synthwave. Pourtant, à l’écoute de ta musique, ça paraît absolument naturel ! / Before starting the “Com Truise” project, you were also a drum’n’ bass DJ and we can definitely feel that specific touch in your music. Was it obvious for you to add this kind of groove in the synthwave genre? Because it fits perfectly but it’s not that common.


CT : On va dire que j’ai eu beaucoup d’heureux accidents dans ma carrière ! Au départ j’écoutais des artistes comme Prodigy ou The Chemical Brothers puis, à force de creuser dans le genre drum n’ bass, j’ai fini par découvrir une multitude de sous genres plus spécifiques jusqu’à trouver celui qui me convenait parfaitement. Il y a la musique que tu aimes et la musique que tu aimes vraiment. Mais je ne pourrais pas te dire précisément comment cette hybridation de style s’est faite. Je pense que la batterie et la basse sont les parties que je préfère en musique parce que ce sont elles qui soutiennent tout le reste. Je base donc naturellement mes compositions autour de ces éléments sans même m’en rendre compte. Dans mon processus la mélodie vient tout le temps après, une fois que j’ai posé les fondations rythmiques. Pour certains artistes c’est plutôt le contraire.

Well, I had a lot of happy accidents ! I’ve been into drum’n’ bass for so long and it’s a part of me. I was originally into The Prodigy, The Chemical Brothers, that kind of electronic music. Inside of that music there is so much more, like a lot of niches. You find something you like, you dig it and then you create something you really like, and I found that. I don’t know how drum’n’ bass works into my music but it’s in there, like second nature. Drum n’ bass is literally DRUM and BASS, and the majority of my music is really based on those two elements. Sure, there are some melodic parts but when I’m writing a part, I find the sound of drum and bass first, that’s my favourite part. They work the best because they carry everything else for the most part. For some people it’s the opposite direction but for me it’s how I operate. I usually always start with drums. Sometimes it’s melody but it’s rare.

TLOP : Ta musique génère une imagerie un peu cyber-punk au sens où elle possède une sorte de rigueur mécanique d’où parvient à jaillir une forme d’humanité. Est-ce que c’est quelque chose de conscient de ta part ? / Your music really stimulates the imagination. It gives me the feeling of a digitalised world, very binary, where a human form tries desperately to express its humanity. What is your inspiration ? Is there a global or a conscious idea behind your work?

CT : Je suis un très grand fan de cyber-punk donc ce que tu dis a du sens, mais encore une fois je n’essai pas d’obliger l’auditeur à ressentir quelque chose de précis. Si j’arrive à glisser une “vibe” un peu cyber-punk tant mieux, parce que quand j’écris celà m’arrive de penser à des univers ou à des paysages dystopiques. Mais j’ai aussi parfois des choses très personnels qui me viennent en tête, comme des souvenirs de vacances à la plage avec ma famille quand j’étais enfant. Il peut il y a avoir de multiples idées dans un de mes titres. encore une fois c’est très ouvert.

Well, I’m a huge fan of cyber-punk so it makes sense but I’m not directly trying to say “feel that way”. If I can sneak some cyber-punk vibe in there it’s cool. When I’m writing these songs I definitely think about dystopian kinds of situations or landscapes, but I also think about going to the beach with my mum and dad and sister when I was a kid so there are multiple ideas in each song. I never had the intention to write music to make someone feel a specific way or have a specific idea.

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TLOP : Tu es particulièrement interessé par les sons et les textures de tes instruments. Tu peux nous en dire plus ? / You’re very interested in sounds and textures, can you tell us more about that?

CT : Disons que les années 80 représentent une décennie et, en y réfléchissant, celà fait maintenant 10 ans que j’écris de la musique et que j’ai démarré le projet Com Truise. On peut donc dire que ma musique a suivi l’évolution sonore de la décennie 1980. Au début j’étais davantage intéressé par des sons analogiques caractéristiques du début des années 80. Puis j’ai doucement glissé vers des sonorités de la fin de cette décennie avec des synthétiseurs aux sons plus mordants comme ceux du X7 ou du PG. J’aime ces sonorités coupantes et agressives. Elles sont assez brutes et ne font pas forcément plaisir à l’oreille (rire) mais je m’amuse à essayer de les dompter ! Donc on va dire que si ma musique a un côté “80’s” elle tend de plus en plus vers le digital et les années 90, du moins au niveau des textures que j’utilise. C’est une manière pour moi de continuer à faire des choses intéressantes, à évoluer.

Well, 80’s is a decade basically. So if you think about the 10 years that I’ve been writing music, I kind of went from the progression of 1980 to 1990. In my early music I was more interested in analog sounds and, throughout my records, I’ve gotten more into the late 80’s kind of synthesizer sounds, more glassy stuff like the X7 and the PG. I like those glacy sounds, sharp, abrasive. They’re not very nice though, they’re kind of rough, so I’m kind of getting into less analog and more digital sounding. I’ve always had the digital stuff but I think I’m constantly trying to introduce new stuff into my music to keep myself interested because it’s not fun to do the same thing over and over again. I’m trying to evolve.

TLOP : Ton univers existe également à travers ton imagerie visuelle cryptique et abstraite qui sort des codes devenus redondants de la synthwave : palmiers, voitures de sport, coucher de soleil etc..Qu’est ce que cet univers visuel raconte ? / Can you tell us more about your graphic work, because it also stimulates the imagination and it’s very different than the classic synthwave imagery with palm trees, cosmic grids or sports cars, it’s cryptic, abstract and elegant.

CT : Je conçois la majorité de mes visuels. J’ai travaillé longtemps dans la publicité alors je sais ce que c’est de concevoir une charte graphique pour une marque, ce genre de choses. Je savais que j’allais devoir créer quelque chose qui soit reconaissable et qui serait multi-supports. Mon objectif c’était de faire quelque chose à la fois familier et différent. J’accorde autant d’importance à mon art graphique qu’à ma musique. Des graphistes me demandent régulièrement de collaborer avec eux et je ne suis pas forcément contre mais, après tout, qui sait mieux que moi quoi à ressemble ma musique ?! J’ai des compétences dans les deux diciplines alors j’en profite, même si ça me fait du travail en plus. Je suis peut-être un trop “control freak” mais au fond j’adore ça : m’assoir, mettre mon casque et déssiner en écoutant ma musique. Ca me rapelle mon ancien travail. En ce moment j’essai d’intégrer de nouvelles couleurs à ma pallette, comme le vert par exemple. Là encore il s’agit de faire évoluer mon art et continuer à me projeter dans le futur.

I do the majority of the visuals myself. I worked in advertising for years so I think of it like branding a company. I had to come up with something that was recognisable, that crossed multiple platforms. That was my goal. Something that was familiar but somewhat different. I think the music and the art are equal. There are so many records out there that have really terrible art! People are always trying to collaborate with me and I’m not opposed to it, but who knows better than me what my music looks like? I’m totally 100% gifted with both skills, and at the same time it’s a lot of extra work making the different parts of the records and then adding the advertising materials and all that stuff, but I enjoy it. I like to sit down, listen to my own tunes and just do the graphics. Sometimes I miss when I used to just take my headphones and draw like I was doing in the advertising business. I am a bit too much of a control freak but I like that! Right now I’m working on new colours for my art work, like trying to incorporate some green, I haven’t had that much green in my palette. I’m trying to figure out something new for the future.

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TLOP : La synthwave est une musique particulièrement visuelle, qui semble tracer des paysages avec les sons. Est-ce ton intention de donner une dimension cinématographique à ta musique ? / Do you agree with the idea that synthwave or retrosynth is really about visuals, creating songs or music that are also landscapes? Is cinema a source of inspiration for you ?

CT : Oui je dirais que ma musique est une sorte de bande originale de films. Je suis quelqu’un de très visuel et je me base beaucoups sur ce que je vois dans ma tête quand je compose. C’est généralement quelque chose d’abstrait et non ce que je vais voir de mes propres yeux. J’ai tendance à rêver eveillé ! Encore une fois la musique n’est pas très différente de la peinture, ce sont juste les outils qui changent !

Yeah my music is kind of a film score. I’m definitely a visual person, more so than musically. I do base things off of just what I see in my head. I daydream a lot. It’s really rare that I write about something that I directly see. It’s more kind of abstract. Music is like painting, it’s just different colours, different paints!

TLOP : Les années 2010 ont été la décennie du revival de la musique des années 80. Est-tu d’accord avec cette affirmation ? Si oui, comment l’explique-tu ? Et quel est ton point de vue sur les raisons d’un tel phénomène ? / From this current decade emerged a kind of revival of the 80’s imagery, sound and spirit. Do you agree with that statement? How can you explain it, and what’s your feeling about it?

J’ai l’impression que les années 80 n’ont jamais cesser de fasciner les gens. Mais c’est assez drole d’entendre ces sonorités 80’s dans la pop d’aujourd’hui ! Le titre ‘24K Magik’ de Bruno Mars est un exemple assez révélateur. On était pas mal d’artistes alternatifs à utiliser ces boites à rythme “funky” à une époque où plus personnes ne les utilisaient, alors les voir revenir dans la musique commercial est intéressant. En revanche ça pose la question de ce que nous, en tant qu’artistes alternatifs, allons faire maintenant. Parce que ce n’est pas vraiment la musique que nous avons envie de faire (rire) ! Mais je ne pourrais pas véritablement expliquer les raisons de ce retour. Peut-être que nous voulons rester dans une sorte de bulle temporelle réconfortante. Moi-même je me plais à m’entourer de tous ces instruments de cette époque plutôt que de tout composer sur mon ordinateur parce ce que c’est un processus de création complètement différent. C’est redevenu cool d’être un mec qui fait du synthé aujourd’hui ! Peut-être aussi que nous avons peur d’évoluer en tant que société, d’imaginer ce que sera le futur parce qu’en réalité on a aucune idée de ce à quoi il pourrait ressembler. Reste que l’on assiste pas aujourd’hui à un revival à l’identique de la musique des années 80. C’est davantage une réconfiguration de cette musique avec des élements modernes. Et puis ce qui est vraiment positif, c’est que tous les artistes qui font de la rétrowave le font par passion, pas pour devenir des stars et faire de l’argent. Il y a cette même volonté de préserver cette musique “rétro” mais tout en essayant d’en faire quelque chose de neuf.

The 80’s has always fascinated everyone ever since. It’s funny to see that you can hear it in a lot of pop music today. There’s some synthwave stuff that is really seeping into everything, and it’s interesting if you take it and make it something new, I guess. Like the “24K Magic”, this kind of pop-funk coming back into the mainstream. It’s very interesting to see because we were already using those sounds before but now it’s popular again. So what are we gonna do now because we don’t want to do that?! (Laughs) I don’t why it happened. Maybe we want to hold-on in some sort of bubble. For some reason for me, it’s sitting down in the studio with the equipment, those drum machines and synth from this decade, and it’s a totally different process than using a computer. It’s cool to be a synth guy now! (Laughs) Maybe as a society we are afraid to let that go and kind of move on to the next thing, because what is the next thing? But it’s not exactly the same music as in the 80’s that is repurposed right now. I remember doing drum’n’ bass music and I was like very drum’n’ bass, very anti-establishment, it was kind of punky, like “I don’t want this to go mainstream”. So it’s interesting to see that synthwave stuff is getting more and more popular. Because all of the guys in this niche that just do this out of passion are really nice guys. We are working toward the same things, and it’s not getting rich or being stars. We try to preserve something old that we love while trying to do something new.

Inerview méné par Clément El Vassort le 31 Aout 2019.

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